Extrait de Ma plus belle émotion à l’Opéra : Le Parc, ballet d’Angelin PreljocajC’est comme un chuchotement amoureux. Une confidence intime.
Sur la grande scène vide, le couple est seul. Plus de démesure sous les ors de Garnier. Rien ne permet l’éparpillement. Ni l’adagio du 23ème concerto pour piano de Mozart, ni la lumière ambrée, ni l’humilité des danseurs. Le jardin à la française disparu, les jeux de séduction envolés, restent une femme, un homme, face à face, presque vulnérables, dans une sensuelle attente aux promesses d’exultation.
C’est si simple, ces notes perlées au piano, si immédiatement pur.
C’est comment un désir de femme semble dire l’homme. Alors, elle danse son désir pour lui. Dans une cérémonie, elle se refait femme. Son ventre palpite et s’étend partout en elle, arrondi, rythmé et déjà possédé. Son désir, c’est l’orée d’une obsession. C’est comme une journée d’été où le soleil bourdonne. Une plage de septembre délaissée qui guetterait ses marées hautes avec fougue. Elle est une île, élancée soudain de douleur, disjointe de sa terre d’origine et d’instinct. Elle marche vers lui, elle ne peut plus revenir, il n’y a pas de détour possible. Son désir est sa nécessité. Ses mains, sa tête, lovée, abandonnée contre l’homme, son corps gracile organisent la ronde. Elle tourne, tournoie. Ils ondulent, frémissants. Elle se sent juste à sa mesure, pleins et vides noués. Elle s’étire et il ploie, elle ploie et il s’étire. Ils déploient ensemble leurs vertus animales. Lequel soutient l’autre, lequel guide l’autre ?
Concours littéraire de l’Opéra de Paris 2014