Biographie de Philippe…, Sucy-en-Brie, Val-de-Marne

Il a bien fallu monter sur la balance. Depuis longtemps, j’avais perdu l’habitude de contrôler mon poids. Je n’essayais plus de faire tenir sur un pèse-personne standard mon grand corps volumineux, mes jambes enflées par les œdèmes et mes deux pieds incapables de se rassembler tant les chairs de mes cuisses prenaient de place et les éloignaient l’un de l’autre. Une trop petite surface pour un corps malmené !

À la clinique de V., dans le bureau des diététiciens, la balance est un grand plateau capable d’accueillir un fauteuil roulant. Alors, impossible de refuser l’obstacle ; je tenais largement au beau milieu du carré, sans chaussures mais tout habillé. Le protocole de la clinique est strict : tous les nouveaux arrivants sont pesés et tous ceux qui partent, la veille de leur départ, le sont aussi. Comme un carillon régulier, l’heure de la pesée sonne à huit heures du soir.

Le dimanche 16 mars 2014 restera gravé dans l’histoire de ma vie. Deux aides-soignants, de peur que mes cannes ne dérapent sur le carrelage et que je ne tombe, m’ont conduit de ma chambre à la salle de pesée. Je suis monté sur le plateau. Une aide-soignante a noté sans ciller : 237,6 kg. J’étais littéralement sidéré. Je ne l’ai pas cru. S’était-elle trompée ? La balance était-elle juste ? Elle m’a garanti qu’elle l’était. J’ai ressenti un véritable électrochoc. Comment avais-je pu atteindre ce poids, laisser le temps passer sur mon corps sans me soucier de son état ? Un cauchemar !

J’avais l’impression d’être dans ces tableaux de Dali que j’aime tant, enfermé dans ma propre folie, celle qui m’avait conduit jusque là, sans que je puisse réagir, au point de me nier, me maltraiter et frôler la mort sans même m’en apercevoir. La balance aurait pu ressembler à une des montres molles de Dali et, au lieu de dire l’avancée du temps et de la mort, aurait dépeint mon état d’abandon et de dérive.

À partir de ce jour-là, j’ai commencé à prendre conscience que je devais guérir et donner un nouveau départ à ma vie. Laisser de côté ma vieille peau encombrante, cette armure protectrice dont j’avais cru qu’elle me protègerait des blessures de la vie. Et, peu à peu, parce que j’étais enfin prêt et accompagné par des personnes extraordinaires, j’ai retrouvé mes forces vives.
Trois points

Couverture-1Extrait : Le parcours d’une guérison
Biographie de Philippe…, Sucy-en-Brie,
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